Histoire d’une nation ou Le racisme

Ça m’est revenu. D’un coup, comme ça. L’air de rien d’ailleurs. Cette scène dans le documentaire, la femme qui revient sur son nom espagnol « Sánchez » et moi qui me suis souvenue. Jusqu’à ma majorité, je m’appelais Nathalie Man Sáinz de la Maza.  Ma mère avait décidé que, comme en Espagne, je porterai d’abord le nom de famille de mon père (文 ) et celui de ma mère ensuite (qui est celui de son père à elle).
Plus tard, si je le souhaitais je pourrais choisir pour l’un ou l’autre, ou bien l’un et l’autre.
Un nom de famille espagnol à particule donc, long très long, et surtout imprononçable pour un français. Deux choses m’insupportaient, le fait qu’il soit si écorché, si vidé de sa musicalité et de sa beauté (en espagnol, c’est beau), et que la personne me fasse remarquer le caractère étranger de mon nom de famille et donc de ma personne. Car à cette époque, enfant, j’avais déjà les remarques racistes des passants dans les rues de Lyon et de mes camarades à l’école. Qui n’a pas remarqué mon visage métis ? Fruit d’un métissage chinois et espagnol et qui sait d’où encore ! Du côté de ma mère espagnole, une influence celtique indéniable puisque ma grande tante est rousse aux yeux bleus ; du côté de mon père, tout est possible aussi.
Cendrillon si blonde avec ses yeux bleus me faisait penser que la beauté ne pouvait être que blanche. Je boudais toute Barbie qui ne fut blanche (mon père m’en acheta une Latino-Américaine, je la trouvais « trop bronzée »). Toutes les filles blanches aux yeux clairs m’amenaient à un culte extrême envers elles.  De toute mon enfance, je n’ai aucun souvenir de m’être trouvée ni sentie belle.
Il s’est avéré qu’ayant un certain succès dès le collège, je compris que cette « différence » était à mon avantage. Oui on me remarquait plus facilement et il s’avérait que oui j’étais belle bordel.
Peut-être aussi évoluais-je dans un milieu où je n’encaissais plus de remarques racistes, plus rien, et que je circulais comme une personne avec son libre arbitre et sa détermination.
Je ne sais pas pourquoi je dis tout ceci, peut-être parce qu’à table, au petit-déjeuner dans cette maison d’hôte j’ai entendu des horreurs « Je ne me sens plus chez moi, il y a trop d’étrangers » ou encore « Il faut un équilibre » c.a.d pas trop de couleurs, puisque souvent ces « arabes », ces « noirs », ces « chinois » sont Français. J’en suis d’ailleurs la preuve. Je suis non seulement née en France, mais mon père avait la nationalité française. C’est ma mère, la plus blanche de la famille qui, elle, est étrangère puisqu’Espagnole.
Comme quoi, il ne faut pas se fier aux apparences…
J’ai peur de le dire, de peur que ça ne change, Bordeaux est la seule ville où je n’ai jamais eu de remarques racistes. C’est d’ailleurs la ville où je suis le plus heureuse. J’ai vécu dans beaucoup de villes, en France, et ailleurs dans le monde. Et je peux dire qu’aujourd’hui, affligée comme je le suis, je donnerai tout pour rentrer.
Paris, grande ville de la diversité, que j’aime profondément, a tout de même réussi à me faire fuir. En 2014, j’ai été agressée à Belleville par racisme par un groupe de noirs. Bon, le commissaire me l’a dit, « allez vivre dans d’autres quartiers de Paris, le 5ème c’est bien, c’est tranquille. On le sait bien, les noirs sont des sauvages. » Ben oui tiens.
Quand je me balade dans le 5ème et que près du Val de Grâce la boucherie n’a toujours pas enlevé, au bout de trois semaines, l’inscription « Front National » sur son rideau… Je ne m’y sens pas très bien non plus.
Pourtant, ma mère qui ferait pâlir un blanc tellement elle est blanche, n’ose pas appeler l’Administration française. Son accent… Vous comprenez.
Moi, comme un Ron Stallworth (ceux qui n’ont pas encore vu « Blackkklansman », précipitez-vous aux salles de cinéma), j’ai ce français impeccable qui, comme un sésame, fait accélérer les dossiers.
Je ne sais pas quoi penser de tout ça.
Me revient à l’esprit le film « Las bicicletas son para el verano » où joue la pétillante et toute jeune Victoria Abril, et la réplique du père, particulièrement, qui dit ceci (lorsque des rumeurs à Madrid amènent la nouvelle qu’un coup d’état se préparerait quelque part mettant en péril la Segunda República) : « Sabe Dios cuando habra otro verano. »
Contents ? Par ignorance, sans aucun doute.

A visionner sans tarder

 

Traduction des quelques vers en castillan dans le texte :
Couper cette douleur, avec quels ciseaux ?
Galope, Galope jusqu’à les enterrer dans la mer !

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