Premier jour à Phnom Penh
Chèr.e.s ami.e.s, chèr.e.s lecteurs.ices,
Je suis là depuis presque plus de 24 h, et j’ai enfin trouvé un endroit calme et beau pour vous écrire.
Le voyage, assez long, s’est bien déroulé.
Je suis décontenancée des prix des billets d’avion (inclus dans ma résidence) mais qui me rappellent à chaque fois pourquoi je voyage si peu. Un passager de l’avion, sympathique par ailleurs, en parlant des vieux allemands en Thaïlande, disait que les prix élevés permettaient de faire une sélection des voyageurs, de les rendre plus « quali ».
Je n’ai pas pu m’empêcher de penser, mais les pauvres ne sont pas forcément les pires voyageurs, si ?
Il avait acheté son billet 2000 euros pour un Paris/Bali.
Bref, du same old shit.
Le transfer à Taïpei m’a permis d’acheter mon thé vert préféré, le 高山茶 (thé de la haute montagne) et de sortir de l’état de tristesse dans lequel j’étais après avoir lu dans l’avion L’élimination de Rithy Panh. Je me rendrai demain à Tuol Sleng (ou camp S21), musée du crime génocidaire pendant la période des Khmers Rouges et de Pol Pot. Si je tiens le coup, j’irai à Auschwitz en rentrant en Europe.
Lors de dernier vol qui m’amenait enfin à Phnom Penh, j’étais entourée de jeunes cambodgiens portant des tatouages sur tout le corps. Je me suis demandée si c’était des mafieux. J’ai décidé de dormir pour ne pas les scruter du regard.
La première chose qui m’a frappée en sortant de l’aéroport, c’est la chaleur. Elle était toutefois reconnaissable.
J’ai vécu à Singapour en 2010 jusqu’à la fin de l’année universitaire en 2011. Le corps n’oublie pas.
Une odeur dans l’air de Durian (ce fruit est interdit dans le MRT Singapourien tellement il pue !) qui n’empeste pas l’air mais l’imprègne, a saisi mon nez tout de suite.
Assez vite, je suis rentrée dans les formalités, une carte sim pour être facilement joignable dans le pays, les clés de mon appartement, un T3 dans l’ambassade de France, quand même ! C’est une forteresse, les visites doivent êtres annoncées 24H à l’avance.
Toutefois, j’avais imaginé des « GI » dans les couloirs avec des mitraillettes ou des kalachnikov, quelque chose de spectaculaire, des hommes en habits militaires. Je vous rassure, rien de plus ordinaire !
J’ai eu le temps d’inonder la salle de bain, l’eau coulait jusqu’à la chambre opposée (cette deuxième chambre du T3 totalement vide!)
L’eau ne s’évacuait pas, le temps d’une douche, l’appartement est devenu un petit étang avec ma personne comme seul poisson.
Le jardin autour est très agréable, j’y ai vu pour l’instant des singes (sur les murs, devant ou derrière les barbelés), des oiseaux divers (je me renseigne et vous dirai leurs noms dès que je peux), un paon…
Apparemment le chef des singes aime briser le rétroviseur de l’Ambassadeur. J’irai voir si je peux photographier le vandale.
Je vous ai filmé la vue depuis ma terrasse, et les cris d’oiseaux. J’attends encore quelques jours pour vous les révéler. Je vous laisse, pour l’instant, imaginer, sans images, ce que je vis, où je suis, la ville…
Je devais me reposer l’après-midi de ce premier jour à Phnom Penh, mais l’excitation d’arriver dans un nouveau pays m’a empêché de m’endormir. Je n’avais qu’une envie, voir la ville, rencontrer des gens. Je suis donc allée à l’Institut Français rencontrer l’équipe, une projection avait lieu le soir dans le cadre de leur programme « le mois des fiertés », et une table ronde. Pour quelqu’un qui a l’habitude des milieux féministes et militants, c’était assez affligeant comme débat mais la modératrice était impeccable.
Les cambodgiens, m’a-t-on dit, se lèvent tôt et se couchent tôt.
A l’heure où je vous parle, une vingtaine de jeunes cambodgiens dînent en famille sur les tables de la cour. Il est 18H20.
La poste ouvre à 7h du matin. Cela vous donne une idée. Je vais adopter leur rythme pour pouvoir faire un maximum de choses.
Je sue en permanence mais il ne fait pas si chaud (leur canicule est finie). Il y a souvent de l’air, je n’ai pas à me plaindre.
J’ai visité le Sosoro Museum, sur l’économie et la monnaie. Une pièce de 1942 indiquait ÉTAT FRANÇAIS, INDOCHINE.
J’ai pensé tout de suite à mes cours sur la guerre d’Indochine, en primaire et au professeur qui nous avait demandé de faire un exposé. Il avait été accusé de pédophilie un an plus tard, puis inculpé.
Je me souviens être allée avec ma mère à la bibliothèque à Lyon et avoir cherché tous les documents sur le sujet. Je me vois encore écrire LA BATAILLE DE DIEN BIEN PHU sur le tableau à la craie blanche.
Je me suis ruée sur le quiz numérique à la sortie du musée. A vrai dire, je n’en pouvais plus de lire tous les panneaux et je voulais savoir si j’avais compris ne serait-ce que 10% de l’exposition. Le dernier résident, Stéphane Melchior, a laissé le catalogue dans l’appartement. Je le lirai.
J’ai acheté un Krama, foulard typique cambodgien, à la boutique du musée pour éviter d’attraper une angine avec la climatisation. Sans m’en rendre compte, j’en ai pris un rouge, et j’ai été saisie de culpabilité. Le guide du routard dit que le rouge était la couleur des khmers rouges et souligne « à méditer deux fois si on prend cette couleur ». Les vendeuses m’ont assurée que c’était OK, que de toute façon c’est khmer avant d’être khmer rouge.
Je l’ai autour du cou.
Je me suis rendue au Musée National. Le lieux regorgent d’œuvres d’art (sculptures essentiellement), certaines sont encore dans leur emballage dans la cour…
On aurait envie de devenir architecte et milliardaire pour bâtir un édifice moderne et rendre honneur à toutes ces œuvres. Ou britannique tiens. Quand je pense au British Museum…
J’ai trouvé un bar/restaurant au bout d’une allée grâce à une styliste qui vend ses vêtements à côté.
Il est 20H, mon dîner arrive à peine. J’ai commandé un fish amok il y a une heure.
J’espère que je ne vais pas tomber malade, je m’en suis rendue compte quand je ne pouvais vraiment plus mâcher le poisson et que j’ai découvert que sous la sauce, il était cru ! Ils me l’ont cuit et se sont excusés, « too busy tonight ».
Excédée par la chaleur et par l’attente, j’ai décidé de me rendre à pied à une terrasse qu’on m’a conseillée.
Il est rare de marcher dans la ville, la majorité des habitants se déplace en scooter, à vélo, en tuktuk, en voiture. C’est une question d’intégrité physique on a l’air de me dire. C’est vrai que les feux ne sont pas respectés. J’ai voulu traverser un boulevard, le feu était vert pour les piétons, aucun véhicule ne s’est arrêté, j’ai abandonné !
Puisque je me déplace qu’en tuktuk, je n’ai pas pu me faire une idée de la ville.
Je n’ai qu’une envie, voir Phnom Penh, savoir où tombe le fleuve, me rendre compte un peu de l’urbanisme…
Nous sommes trois sur ce rooftop au douzième étage d’un immeuble. Je laisse un couple de français se raconter leur journée.
Je m’assois sur la table d’à côté pour profiter de la vue. La ville est très éclairée, en particulier, les banques, le quartier des expatriés (BKK) que je ne connais pas encore, et là où je suis, cette zone de bars, hôtels, restaurants, rooftop, spa, centres de massages. Des jeunes femmes très sexys sont alignées sur les trottoirs, d’autres sont assises.
Le pont en face est éclairée de part en part, on dirait qu’il porte les couleurs du drapeau LGBT.
Voici les premières gouttes de pluie qui tombent sur mon clavier.
On m’a dit : « quand il pleut, les prix des tuktuk flambent ».
Pour l’instant je n’ai assisté à aucun orage, aucune averse.
On verra si j’arrive à temps à l’ambassade.
Le tuktuk vient d’arriver, il m’attend en bas.
Je rentre me coucher.
A demain !