Deuxième jour à Phnom Penh

Je fais vite parce qu’il est déjà tard.
Avant de visiter le centre de torture, j’ai fait un saut au Raffles Hotel. Je n’ai jamais voulu y mettre les pieds à Singapour quand j’étais étudiante puisque c’était pour moi un symbole suprême du colonialisme, mais par tant de chaleur, j’ai craqué pour la piscine. J’ai été honnête, j’ai dit que je n’étais pas de l’hôtel et j’ai donc payé mon entrée…(Apparemment on peut resquiller!)
Dès mon arrivée, j’ai compris pourquoi j’avais décidé de ne jamais aller aux Raffles Hotels. Un homme d’une quarantaine d’année de je ne sais quel pays d’Europe m’a regardé comme si j’étais de la viande, s’est demandé si ça valait le coup, puis a poursuivi son appel téléphonique, concentré sur le deal qu’il allait conclure.

J’ai pris une heure de repos, et j’ai filé à S21.

Quand on pense que ce centre de torture était un lycée, ça donne la nausée.
Je retiens deux choses puisqu’il faut aller vite:
-les graffitis sur les murs qui indiquaient pas mal de choses et qui dataient de l’époque où ce bâtiment était un lieu d’études et de connaissances, puis des dates d’internement, des messages d’amours, sexuels, bref, les traces écrites des victimes.
-la phrase de l’audio guide, la fille d’un défunt qui dit quelque chose comme ceci « ce qui est terrifiant c’est que la victime tentait de tenir jusqu’au bout, le plus longtemps possible, jusqu’à l’aide qui finalement n’est jamais venue et qui ne serait de toute façon jamais arrivée. »

Quand les gens arrivaient à S21 ils n’étaient presque plus alimentés. Or, dans la cour il y a des manguiers immenses, dont les mangues font pencher les branches par centaines aujourd’hui.
Deux millions de victimes, tous les artistes, journalistes, ingénieurs, médecins, architectes, ministres, parlementaires, enseignants, infirmiers…
Toute une élite dézinguée; l’amour de la connaissance, les arts, la médecine, la science, la pédagogie, anéantis.

J’oubliais ce qui m’a le plus touché, les « confessions » d’un jeune neozélandais Kerry Hamill qui naviguait dans les eaux cambodgiennes à ce moment avec son ami et qui a été emmené à S21 sans raison et assassiné.
Dans ses confessions, il décrit un réseau CIA fictif avec tellement d’humour que j’en avais les larmes aux yeux, « Le chef de la CIA? Le Major KFC. Son supérieur ? Le Captain Pepper (en référence à l’album des Beatles, Sgt. Pepper’s Lonely Hearts Club Band)… »
Heureusement, j’avais prévu le coup, j’ai poursuivi ma journée avec des RDV professionnels, une conférence à l’Institut Français, quelques verres avec deux chouettes femmes et un bon dîner avant de rentrer et de vous écrire.
A demain.

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