Nuit philosophique aux moustiques

Une nuit effroyable, tropicale, m’a achevée aujourd’hui.

J’avais tout essayé pourtant.
L’immersion complète dans les 40 degrés d’une couette sale, le ventilateur dirigé contre mon visage afin de perturber le vol des parasites; enfin, l’attaque frontale et insomniaque contre les criminels.
Ma nuit a duré une petite heure que j’ai rallongée de quelques minutes dans le train rapide pour Taipei. Réveillée en pétard hélas, j’ai sauté du train un arrêt avant mon arrivée.

Où suis-je tombée ?

J’ai cru un court instant me retrouver dans la station « Mobil Ave » de Matrix Reloaded où le « trainman » ne te prend jamais dans son wagon, et tu restes là, pour l’éternité à contempler les murs blancs d’un souterrain.
J’ai donc expérimenté le désir « rewind » du voyage. Pouvoir revenir en arrière à chaque fois que je prends le bus, train, tramway, métro, dans la mauvaise direction, revenir en arrière comme si de rien n’était, comme si j’avais les tubes digestifs d’un enfant chevronné qui ne nécessitent pas l’obsession du citrate de bétaïne, de l’eau pétillante et si possible du yogourt nature. A moi les bactéries, à moi la digestion !

Cela fait sept jours que je mange dehors pour le moindre repas. Mon amie Irene ne cuisine pas, et je l’accompagne dans ses pérégrinations culinaires. Salé, sucré, gras, glutamate, salé, sucré, gras, glutamate. C’est tout une combinaison qui assure à mon estomac un avenir décroissant.
Et je me demande, tous ces petits boulots, tous ces discours que j’ai déjà entendu « eux au moins ils travaillent, y’a toujours des petits boulots dans les pays en développement», « ils ne connaissent pas le chômage », je me demande, si tous ces petits boulots, ne permettent pas à celui qui possède du capital d’être assisté ? S’il est plus rentable de manger dehors, de faire laver ses draps par quelqu’un d’autre, de faire garder ses colis par le gardien, son parking par un leveur de barrière, etc. que fera l’homme ?
Saura-t-il cuisiner ? Faire son lit ? Faire une machine ? Faire les courses ? Arroser des plantes ? Changer une ampoule ? Mettre de l’essence ? Aller à la poste ? Ouvrir une porte ?
Ces « petits jobs » n’amènent-ils pas directement à l’assistanat des personnes aisées ?
Je crois que le jour où, dans les pays en développement, tout le monde en capacité à être autonome le sera vraiment (pas de « petites mains » pour les « aider »), là sera le vrai progrès.
Ce qui revient à dire que certains quartiers de Paris et quelques coins de France sont des quartiers sous-développés.

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